Définition de MORTEL, ELLE
Prononciation : mor-tèl, tè-l' ; d'après Palsgrave, p. 60, au XVIe siècle, mortel se prononçait morté devant une con
DÉFINITIONS
1
Sujet à la mort. Tous les hommes sont mortels.La mort ne l'a point changé, si ce n'est qu'une immortelle beauté a pris la place d'une beauté changeante et mortelle
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
Tout est vain en l'homme, si nous regardons le cours de sa vie mortelle ; mais tout est précieux si nous contemplons le terme où elle aboutit
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Tout ce qui est mortel, quoi qu'on ajoute par le dehors pour le faire paraître grand, est, par son fond, incapable d'élévation
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
Outre le rapport que nous avons du côté du corps avec la nature changeante et mortelle, nous avons d'un autre côté un rapport intime et une secrète affinité avec Dieu
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
Encore que notre esprit soit de nature à vivre toujours, il abandonne à la mort tout ce qu'il consacre aux choses mortelles
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
Pourquoi m'es-tu donné, ô corps mortel, fardeau accablant....
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Bourgoing.
Les Parques à ma mère, il est vrai, l'ont prédit, Lorsqu'un époux mortel fut reçu dans son lit....
de Jean RACINE dans Iph. I, 2
Dans le style soutenu, la dépouille mortelle, ce qui reste de nous après la mort.
Une urne contiendra sa dépouille mortelle
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Olymp. V, 3
Quitter sa dépouille mortelle, mourir.
Nature : nm et f Un mortel, une mortelle, un homme, une femme.
Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. X, 1
On n'entend dans les funérailles que des paroles d'étonnement, de ce que ce mortel est mort ; chacun rappelle en son souvenir depuis quel temps il lui a parlé, et de quoi le défunt l'a entretenu
Sur l'ais qui le soutient, auprès d'un Avicenne, Deux des plus forts mortels l'ébranleraient à peine [un infortiat]
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. V
Mais je ne trouve point de fatigue si rude Que l'ennuyeux loisir d'un mortel sans étude
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Ép. X
Je n'ai pas cru que.... Il fût quelque mortel qui pût impunément Se venir à mes yeux déclarer mon amant
de Jean RACINE dans Bérén. I, 4
Hélas ! il me semblait qu'une flamme si belle M'élevait au-dessus du sort d'une mortelle
de Jean RACINE dans Iphig. III, 6
Mortelle, subissez le sort d'une mortelle
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, 6
Tout mortel est donc né pour souffrir
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Oreste, II, 1
Les mortels généreux disposent de leur sort
Le dernier des mortels est maître de son coeur
de Marie-Joseph CHÉNIER dans Charles IX, III, 2
Sémantique : Familièrement. Un heureux mortel, un homme à qui il arrive quelque chose d'heureux, d'agréable.
Cadédis, vous êtes un heureux mortel
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans la Loterie, sc. 23
Nature : Absolument. Les mortels, l'espèce humaine.
Surtout, mortels, désabusez-vous de la pensée dont vous vous flattez, qu'après une longue vie la mort vous sera plus douce et plus facile
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Ô vanité, ô néant, ô mortels ignorants de leurs destinées
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Les mortels sont égaux ; ce n'est point la naissance, C'est la seule vertu qui fait leur différence
Nature : S. m. Ce qui meurt.
Et vous vous attachez à ce corps, et vous bâtissez sur ces ruines, et vous contractez avec ce mortel une amitié immortelle !
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Bourgoing.
2
Qui appartient aux hommes, aux mortels.Le prélat.... Tout d'un coup tourne à gauche, et d'un bras fortuné Bénit subitement le guerrier consterné ; Le chanoine surpris de la foudre mortelle....
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. V
3
Qui cause la mort, ou semble devoir la causer. Une maladie mortelle. Cette substance est mortelle aux poissons.Ah ! cesse de courir à ce mortel danger ; Te perdre en me vengeant ce n'est pas me venger
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, I, 1
Elle voulut assister ce frère mourant [de la peste], sans craindre ces souffles mortels qui portent le poison dans les coeurs
de Esprit FLÉCHIER dans Mme de Mont.
Par une exacte police qui coupait les communications mortelles [en temps de peste].... il sauva ce peuple....
de Esprit FLÉCHIER dans Duc de Mont.
D'abord il a tenté les atteintes mortelles Des poisons que lui-même a crus les plus fidèles
de Jean RACINE dans Mithr. V, 4
J'ai su, par une longue et pénible industrie, Des plus mortels venins prévenir la furie
de Jean RACINE dans ib. IV, 5
C'est peu de vouloir, sous un couteau mortel, Me montrer votre coeur fumant sur un autel
de Jean RACINE dans Iphig. III, 6
Sémantique : Fig.
La chair et le sang de Jésus-Christ, non-seulement ne nous seraient plus salutaires, mais deviendraient pour nous le poison le plus mortel
de Louis BOURDALOUE dans Myst. Très St Sacrem. t. I, p. 542
Le coup mortel, le coup qui donne ou paraît devoir donner la mort.
De mille coups mortels son audace est punie
de Jean RACINE dans Brit. V, 8
Sémantique : Fig. Coup mortel, ruine, perte.
La plus puissante de toutes [les monarchies formées de l'empire d'Alexandre], après avoir été ébranlée par la mollesse et le luxe de la nation, reçut enfin le coup mortel par la division de ses princes
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 5
Péché mortel, péché qui fait perdre la grâce de Dieu et qui donne une espèce de mort à l'âme.
Chrétien, tu sais trop la distinction des péchés véniels d'avec les mortels
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
Ce n'est pas que je veuille ici confondre les fautes vénielles avec les fautes mortelles
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Fautes légères.
Mortel ennemi, ennemi mortel, ennemi jusqu'à vouloir la mort.
Être l'ennemi mortel de quelqu'un, Comme il vous traitait en mortel adversaire
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. III, 2
Et plus vous la pouvez accabler d'infamie, Et plus elle vous traite en mortelle ennemie
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. III, 4
4
Sémantique : Fig. Fatal, funeste.Rechercher un trépas si mortel à ma gloire
de Pierre CORNEILLE dans Cid, I, 9
Cette mode [une sorte de coiffure] durera peu ; elle est mortelle pour les dents
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 4 avr. 1671
La gloire, qu'y a-t-il pour les chrétiens de plus pernicieux ou de plus mortel ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Jamais jour n'a paru si mortel à la Grèce
de Jean RACINE dans Iph. V, 6
Cherchons des remèdes contre les maladies de l'âme, non moins funestes et non moins mortelles [que celles du corps]
5
Excessif dans son genre ; il ne se dit jamais qu'en mal.Crois-tu donc que je sois insensible à l'outrage, Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ?
de Pierre CORNEILLE dans Hor. IV, 5
Un si mortel affront
de Pierre CORNEILLE dans Théod. IV, 6
Haine mortelle
de Jean de ROTROU dans Bélis. IV, 1
Guerre, guerre mortelle à ce larron d'honneur Qui sans miséricorde a souillé notre honneur !
D'où vient que, leur [aux vices du temps] portant une haine mortelle, Vous pouvez bien souffrir ce qu'en tient cette belle ?
Vous croyez donc que les déplaisirs et les plus mortelles douleurs ne se cachent pas sous la pourpre ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
En quel trouble mortel son intérêt nous jette !
de Jean RACINE dans Andr. III, 4
Dans le doute mortel dont je suis agité
de Jean RACINE dans Phèdre, I, 1
Je suis dans des peines mortelles
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Impén.
6
Dans le style familier, mortel se dit de ce qui fatigue par sa longueur, de ce qui paraît excessivement long, ennuyeux ; alors il se met devant son substantif.On nous dit qu'il y avait deux mortelles lieues
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 363
En moins de rien, il eut fait cinquante mortelles lieues
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 9
Quinze mortels jours se passèrent de la sorte
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mlle de Clermont, p. 63, dans POUGENS
REMARQUE
1
À propos de ces vers de Racine : Plus qu'à mes ennemis la guerre m'est mortelle, Théb. III, 6 ; L. Racine dit : Mortelle pour funeste, expression qui n'est pas exacte. L. Racine se trompe, la locution est bonne et employée avant son père.HISTORIQUE
1
XIe s.Par moi.... son mortel enemi
dans Ch. de Rol. XXXIV
Liverai lui une mortel bataille
dans ib. LI
2
XIIe s.[Charles] Mande par moi [à] ses mortex enemis
dans Ronc. 24
S'or y laissons [en la terre sainte] nos ennemis mortieus, à tousjours mais ert [sera] nostre vie honteuse
de QUESNES dans Romanc. p. 95
Qui puis refist à Saisnes maint mortel encombrier
dans Sax. IV
[Il] A veü et trové moult mortel aversaire
dans ib. XXX
Droiz est que li mortiel soient soget à Deu
dans Machab. II, 8
Toute lor painne ont mise en moi trahir ; Mais ne lor vaut lor morteuz trahisons
dans Couci, XII
3
XIIIe s.Cum est la mescine [médecine] du cel [ciel], Quant ele descent sur mortel
dans Édouard le conf. V. 4423
Traïstres seroie mortiex, Se servoie por deoevoir
dans la Rose, 7842
4
XVe s.Et pour ce que le roi de France savoit le roi Robert d'Escosse avoir grand guerre et tout le royaume d'Escosse avoir mortelle haine aux Anglois
de Jean FROISSART dans II, II, 45
5
XVIe s.L'inimitié mortelle qu'il nous porte....
de Vincent CARLOIX dans IV, 18
Nos viandes leur estoient mortelles et venimeuses
de Michel de MONTAIGNE dans I, 106
Une telle prudence est mortelle ennemie de haultes executions
de Michel de MONTAIGNE dans I, 134
Des statues, non ouvrées de mortelle main
de Michel de MONTAIGNE dans II, 148
Prest à recevoir le coup mortel de la main de son ennemy
de Jacques AMYOT dans Marius et Pyrrhus, 15
Un mortel poison
de Jacques AMYOT dans Pompée, 50
ÉTYMOLOGIE
1
Provenç. et espagn. mortal ; ital. mortale ; du latin mortalis, de mors, mortis, la mort.